La place prépondérante du packaging dans notre société mais aussi les critiques exacerbées qu’il soulève, en font une source d’inspiration récurrente pour les artistes.
Ainsi, dès le début du vingtième siècle, point de départ de l’ère industrielle de
l’emballage, celui-ci a fait ses premières apparitions dans le monde de l’art. Depuis, il n’a cessé d’inspirer de nombreux artistes et d’être présent dans leurs oeuvres. Par ailleurs, c’est dans le travail foisonnant d’artistes modernes comme anciens, que les concepteurs de packagings viennent parfois puiser leurs idées. L’art est, pour les
designers, un merveilleux réservoir d’inspiration, propice au détournement ou à l’appropriation.
L’exposition issue du nouvel ouvrage montrera aux visiteurs à quel point les échanges créatifs entre l’art et le packaging sont riches, réciproques et continus depuis plus d’un siècle et demi.
Lorsqu'on la déshabille, la boîte de conserve mérite une nouvelle considération.
Elle peut être compressée, découpée pour devenir support ou matériau d'art. Et réciproquement. Les ½uvres célèbres sont reproduites, pastichées ou réinterpretées sur les emballages les plus courants. Notre placard est un musée.
Le paquet de café San Marco ? Inspiré de La création d'Adam de la chapelle Sixtine de Michel-Ange. Les yaourts La Laitière ? Tout le monde a reconnu Vermeer. Quant aux flacons de la gamme de cosmétique Vichy pour hommes, les designers disent merci à Léonard de Vinci. Les rayons des supermarchés sont des drôles de musées, évocations parfois lointaines qui titillent nos références culturelles. Filons maintenant voir les collections prestigieuses : Andy Warhol a laissé dans l'histoire de l'art la trace indélébile d'une boîte de soupe ; César a comprimé des capsules ; Arman a juxtaposé trois étages de tubes de peinture dorés qu'il a intitulé Défi à Newton.
On l'aura compris, le pop art a allégrement poursuivi le chemin tracé par Picasso, les modernes et les surréalistes (Calder, Duchamp) qui ont fait tomber le mur académique érigé entre l'art et le commerce.
Pourtant l'affaire est plus ancienne, elle passionne Fabrice Peltier, lui-même Mister designer et Docteur Artiste, qui publie Art, échanges créatifs aux éditions Pyramyd (collection IDPACK). « Les emballages témoignent de nos sociétés, de la manière dont nous vivons. Regardez, ce sont les premiers objets des musées d'histoire » assure-t-il en désignant la photo d'une amphore grecque ornée d'une scène de la vie quotidienne.
Il y a vingt-cinq ans (il en avait vingt-trois), l'étudiant passé par l'Ecole Estienne et une section graphique de Grenoble a accepté ses premiers boulots. Aujourd'hui, son agence compte vingt-cinq designers installés rue de Richelieu, entre le Louvre et l'Opéra. Les souris de ces collaborateurs s'agitent à l'étage, conçoivent des formes et des esthétiques pour des étiquettes de bouteilles (Lorina, Orangina), des boîtes, des blisters, des tubes... Au rez-de-chaussée, une cliente pousse la porte de la boutique, jette un ½il sur la bibliothèque dédiée au graphisme autant qu'à l'emballage, se dirige vers les amusants accessoires en emballages recyclés. Un cul de bouteille devient un coquetier, une série de capsules se transforme en vide-poches. C'est un peu cher, mais c'est tendance : après l'éthnique, la récup'chic.
D'autres vitrines intéressent Fabrice Peltier. Celles qu'il a alignées dans le prolongement du magasin et de l'agence abritent une étonnante collection d'emballages-½uvres d'art, qui s'ouvre sur des boites de biscuits en métal aux chromos caractéristiques de la fin du XIXe. A cette époque, la Révolution Industrielle percute celle des beaux-arts et des arts appliqués, les premiers concepts de marketing du XXe siècle rencontrent les recherches typographiques, les styles (Art Nouveau, Bauhaus, l'utilisation de la photo).
Finalement, le virage est amorcé lorsque l'affiche essentiellement visuelle cède du terrain au graphisme, avant que le design ne s'empare du tout pour en faire un amalgame cohérent, un nouveau support de communication en trois dimensions. C'est là, précisément, que les artistes s'approprient l'emballage avec sa charge symbolique (société de consommation esthétique reconnue par la masse). Jusqu'à Christo et Jeanne-Claude qui en font le c½ur même de leur démarche artistique en emballant les monuments du monde entier.
De l'autre côté du miroir, les designers puisent dans le patrimoine artistique pour différencier la marque qu'ils habillent. Ils procèdent par imitation, et dans ce cas utilisent des ½uvres arrivées dans le domaine public. Ou par pastiche - au risque de tomber dans une mise en abyme délicate. La marque de cigarettes Camel excelle dans l'exercice, qui passe en revue les grands courants de l'art pour décliner son fameux chameau. L'allégorie rend hommage à un artiste , comme l'a fait L'Oréal avec Mondrian pour sa ligne Studio Line. Le nec plus ultra restant l'alliance directe avec l'artiste, Ben et les viticulteurs et le café Malongo, Keith Haring pour la poudre Calgon et les boîtes de cookies, le champagne Pommery décoré pop art par Fabrizio Borrini et tant d'autres. L'art contemporain se régale puisque, par définition, il nous alerte sur l'état de notre société. Or, nos années sont celles de la consommation, des déchets, du recyclage. Le packaging devient alors support autant que diffuseur d'art, « mass-musée » comme dit Fabrice Peltier.
L'emballage est aujourd'hui la septième industrie mondiale, marquée de près par une législation soucieuse de sécurité, d'information du consommateur et d'écologie. Il permet de transporter et de conserver les aliments, notamment dans les pays pauvres.
Il génère une économie florissante, aiguise des appétits pas toujours citoyens et provoque d'énormes colères chez les écologistes. Qui, pourtant se laissent parfois distancer par l'avance écologique prise par les fabricants. Sujet passionnant autant que passionnel.
Catherine BELIN, Le Républicain Lorrain, le 28 décembre 2008
Pack'Art, l'Art dans le packaging
Qui ne se gausse, en cette période de Noël, de la boite de chocolats décorée de la reproduction d'un tableau ? Qui n'a jamais acheté une boite de gâteau métallique uniquement pour son emballage en édition limitée représentant une oeuvre de Gilbert et George, pratiquant ainsi, à la Monsieur Jourdain, la boxoferrophilie sans le savoir ?
L'emballage est d'ailleurs source de collections aussi diverses qu'inattendues, des flacons de parfum aux étiquettes de melon, et le grand public peut retrouver Picasso sur une bouteille de Suze et Keith Haring sur une boite de lessive.
L'art et le marketing, le marché de l'art et le consumérisme, ont partie liée. En corrélation avec "Pack the World", le Salon international de l'emballage 2008 réservé aux professionnels, l'Institut National du Design Packaging et son président Fabrice Peltier, ont conçu une exposition rétrospective de l'histoire de l'art et du packaging que les parisiens peuvent découvrir à la Designpack Gallery.
L'emballage rebaptisé "packaging" constitue une étape de la stratégie commerciale et de communication d'une entreprise qui passe notamment par le design pour signer la reconnaissance du produit.
En 1746 apparaît le premier produit emballé sous une marque, une boite de poudre contre la fièvre. En 1850, Lefranc invente le tube de peinture souple et l'emballage devient ½uvre d'art en 1985 avec Christo.
Il y a donc abondance de matière pour cette exposition, la deuxième accueillie par la jeune Designpack Gallery.
"Pack'Art, l'art dans le packaging" propose de découvrir les inter relations fructueuses et pérennes entre le monde de l'art et le design industriel.
L'art, source d'inspiration pour le design commercial
Le 19ème siècle avec des affichistes célèbres comme Mucha et Cappiello, le 20ème siècle avec des graphistes inspirés, de Savignac à Cassandre, puis les designers sous l'impulsion de Raymond Loewy puisent résolument dans l'art.
De la simple reproduction au pastiche (la Chupa Chups à Roy Lichtenstein), de l'allégorie à l'alliance (le Jaja de Jau de Ben), l'oeuvre d'art devient une des stratégies incontournables pour valoriser le produit, notamment par le biais des édiitons limitées et des séries évenementielles.
Le packaging, source de création et de visibilité pour l'artiste
Dès le début du 20ème siècle, le graphisme et le visuel des emballages inspirent également les artistes.
Et ce, quel que soit le courant artistique, des dadaistes aux nouveaux réalistes et bien évidemment les chantres du Pop art.
Les artistes acceptent également de créer pour des marques qui agissent, en quelque sorte, en mécène en leur offrant, entre autres, une visibilité qui contribue également, d'une certaine manière, par le phénomène de "mass musée", à la vulgarisation de l'art contemporain.
Tel est le cas avec la collection de bouteilles de champagne Taittinger décorée par des artistes de réputation internationale de Vasarely à Rauschenberg.
Au sein de l'exposition, retrouvez une "accumulation", des tubes de peintures, de Arman et une variation de la fameuse Campbells soup warholienne par Speedy Graphito.
Et comme le design entre au musée...
Les emballages exposés ne sont, hélas, pas à vendre à l'exception des "Bag'n Barriques", les fontaines à vins éditées par le domaine du Chateau Puech-Haut, remplies de vin de Languedoc, qui sont les reproductions en taille réduite de barriques de vin customisées par des artistes contemporains.
Pack'Art : l'Art dans le packaging
